Hymne à la beauté

Hymne à la beauté 150 150 Danièle Moundouris

Elle aime se blottir aux replis de la mer
Et crachant au visage son haleine de sel,
Elle rue, cavale sauvage, vers le ciel en cendre…

Elle est grande et petite, elle est douce et terrible.
L’Harmonie la fait naitre par des yeux inégaux.

Elle aime s’endormir en l’âme du silence
Pour que se dressent à sa nacelle,
Des prières vibrantes comme un vol d’hirondelles…

S’introduisant au cœur même le mieux gardé,
Elle fait pleurer en lui les rêves adolescents.

Des minutes pleines d’elle volent le paradis,
Dérobent à son jardin des fruits si inhumains,
Qu’une douleur m’envahit sous l’afflux de sa force.

Frotté du sel des passions, elle surgit,
Elle se dégage, éclate au jour si puissamment !
Le sucre l’amollit et la fait disparaitre.

S’enfonçant au profond de bois durs et déserts,
Elle en parait distante, hautaine et solitaire.

C’est pourquoi je l’adore, d’un amour insoutenable,
Mon corps tout entier tremble quand je la vois,
Et mon âme tendue, sous son accord se brise…

Froide, avec un sourire pervers de Joconde,
Elle libère en nous l’impossible miracle,
Pour mieux nous faire croire que nous sommes démiurge.

Nous voulons la créer, mais nous la subissons.
Comme une loi éternelle qu’a réglé la justesse.

Réclamant l’absolu, elle en devient tragique.
Car réveillant en l’homme l’androgyne,
Elle enfièvre doublement la puissance de son verbe.

Pour avoir pu franchir l’invisible passage,
Un titan a surgi qui rêve et crée le rêve.

Géants en dedans, pygmées en dehors,
Livrés tout entiers aux lèvres menteuses bellement arquées,
Comme un masque antique, nous en subissons le charme.

Ah, nous violons notre âme par des songes trompeurs !
Et pourtant si tant vrais qu’ils semblent la démontrer.

Mais elle plane déroutante au-dessus des systèmes.
Du bestial elle surgit comme une étrange fleur,
Comme la part la plus pure de nous-mêmes.

Elle va irradiant en un feu tenace,
Pour mieux jeter entre ciel et terre ce pont si sûr…

Ce pont par où passeront les damnés et les saints,
Afin de témoigner de sa toute-puissance.

Sa puissance dérobée au mystère du Vrai,
Pour en resplendir les effets, illusoires.

Te cherchant, t’appelant, te suppliant oh ! Combien !
Pour qu’en moi vive toujours la première découverte,
Que le monde en soit neuf et sorti de la mer.

Emporte-moi chimère, sur tes ailes de songes.

1957