Danièle Moundouris

Peintures

La Grèce éternelle

U

n caïque ventru aux flammes rouges minium va croiser des barques bleues sur l’or du soir. Une chapelle inscrit le ciel sur sa porte, puis paisible s’assoupit derrière des murs trop blancs. Mais le matin blême argentera l’abondante pêche des filets carminés de pourpre, piégeurs de dorades. Lovée au cœur des acrotères, une silencieuse musique vibre sur les toits des maisons du port. D’île en île, l’harmonie de l’espace et du temps, fait vivre d’anciens souvenirs de marbre que ravive l’ouzo devant une mer laiteuse. Et alors, violette, à la proue d’une barque, la Grèce éternelle se mire, se cherche, se quitte, se retrouve différente et toujours inchangée. Imaginaire, imaginé, le réalisme de Danièle Moundouris (nom d’artiste Danièle Gilbert) la suit de rivage en rivage, s’agaçant les dents avec un citron jaune, pendant que la chouette scrute les branches noires de l’hiver et que des poissons fous happent d’une bouche muette un hameçon invisible. Une pensée dans un pot, le ciel, l’eau, la terre, les arbres. Danièle Moundouris réinvente la Grèce, sa Grèce.


Mireille Musso, Directrice de l’Institut Français d’Athènes, 1991 – Extrait du catalogue de l’exposition

Les éléments

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a beauté du temps ; pas de chemin de traverse, Danièle Moundouris va droit à l’essentiel de notre mémoire ; voyages de France à la Grèce, du plus lointain au plus sensuel.
Les éléments commandent : le vent ici pousse le trop beau Ganymède vers l’éther où il croise peut-être les Gorgones en chasse ; l’eau étanche les soifs d’Aphrodite au lendemain de séductions parfumées ; le heu d’Héphaïstos forcer les aciers de l’outil et de la guerre ; et la terre, gravide, médite les fleurs et les fruits du paradis trouvé que féconde Perséphone.
Sur l’échelle des nuages, des anges, esprits de l’Air descendent. La tête enserrée ; au carré de la Pierre, le buste encerclé, Jacob dort, au triangle de la couverture et Moïse ébloui médite sur le Monde : buisson ardent qui unit la Terre à l’Eau, l’Eau à l’Air, lequel danse avec le Feu.

Le Feu, des mains s’y chauffent.
La Terre, des doigts la pétrissent.
L’Air, entre l’index et le pouce, une rose s’y effeuille.
L’Eau, la joie de la sentir couler.

Nous sommes habités de nos propres passés et de ceux des siècles qui ont vécu là où nous sommes posés. La mémoire et le corps alchimient les Eléments ; Danièle Moundouris nous le donne à sentir.


Patrick Landre, Conseiller culturel adjoint, Institut Français d’Athènes 1995 – Extrait du catalogue de l’exposition

Les mythes

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anièle Moundouris, Peintre et Sculpteur, débute à Paris très jeune, puisque à 16 ans la ville de Paris offre de lui acheter le tableau qu’elle expose au « Salon d’Hiver » sous le titre : « Paysage de Vence ». Après une longue période d’expositions à Paris, elle enchaîne parallèlement des manifestations artistiques se situant entre New York et San Francisco.

Mariée en Grèce, elle réside alors dans ce pays devenu sa patrie de cœur et la source permanente de son inspiration. Pendant un moment, Danièle Gilbert éprouve le besoin d’une retraite, pour une recherche différente par le désir d’une prise plus profonde, plus difficile aussi, au moyen du matériel brut qu’offre la « NATURE », ce qu’elle trouve alors dans le bois mythique, torturé et pourtant étrangement fécond de L’Olivier, arbre même du mystère de la Sagesse : « Athena aux yeux pers! »

La sagesse des « MYTHES », leur recherche dans la « NATURE » va former alors les thèmes principaux qui nourriront son imagination éprise de la philosophie du passé, dans laquelle courent des Centaures fuyant les autoroutes pour se réfugier sous les grands platanes du Pilion, aux racines desquels surgissent les sources de la mémoire grecque qui, comme une eau claire, dévale les vallons où courent les Satyres. Où des Sphinx posent les questions essentielles à la vie humaine, croisant au passage Saint Pierre portier d’un ciel naïf, ouvrant la porte à Sainte Anne mère de la Vierge encore enfant, veillée par un grand Pan aux airs méditatifs.

C’est du reste au pied du Mont Pélion, dans une ancienne maison de la région que Danièle Gilbert a trouvé sa retraite et un lieu propice à son travail comme à sa méditation. C’est là qu’elle peint et sculpte sur un même thème, les figures des grands « MYTHES » de la Vérité Eternelle qui se kadéléoscopient dans les connaissances du présent ou veille une Pensée qui se tient le visage, d’une main méditative, pendant que les petits personnages d’une crèche rêvée, partent en quête d’une aventure humaine qui reliera la terre au ciel, pour que le « MYTHE » devienne « NATURE » et la « NATURE » un tremplin pour le « MYTHE ». Dans le mystère du passé, nourri aux connaissances du présent, des mains d’arbre refont le monde de la Genèse.
Suivons alors Danièle Moundouris, prenons ce gros caïque de pêche qui hante Kala Nera, il partira avec elle à la recherche de Poséidon et de ses coquillages. Prenons également la grenade et la fleur de Perséphone, avant que les oliviers s’effondrent sous la neige.
Un fil relie « NATURE » et « MYTHE », qu’il nous conduise à la rencontre du Minotaure, Thésée et Pasiphae.


Niki Iconomaki – Extrait du catalogue de l’exposition à l’Institut Français d’Athènes en 1997.

« Contrastes »

L

a Grèce, source constante d’inspiration, me fait vivre ici une nouvelle aventure picturale, en ouvrant son rideau sur les masques complémentaires de la COMEDIE et de la TRAGEDIE, lesquels synthétisent depuis l’antiquité, l’âme chatoyante et profonde de la Méditerranée, riante et gémissante. Donnant à voir avec ses deux visages symboliques, les répercussions essentielles du sens de la vie, ses joies, ses interdits, ses contrariétés et, toutes les oppositions imaginables d’ombres et de lumière, reflets inversés entre Ciel et Terre, entre Printemps et Hiver.

Montagne très ancienne, demeure des Centaures, Pélion endroit magique, lieu privilégié de mon travail, anime justement les contrastes de la douceur lyrique des fleurs et des sèves sous la chaleur d’une aube printanière, avec son hiver froid tout de blancheur et d’arbres noirs.

Et alors, dans son silence, je découvre…
Des pas jumelés dans la neige…
Deux pies se parlant…
Des visages qui s’embrassent…
Des cygnes s’entrelaçant, pour nombrer l’infini…
Ici je m’interroge :
Quelles mains manipulent les couples?
Qu’y a-t-il derrière les masques?
Pour les cartes s’inversent-elles?

A ma manière j’interprète la Grève pétrie d’humanité, de logique et de juste mesure. Mais je ne suis qu’une partie du dialogue, vous y ajouterez, en regardant mes oeuvres, vos propres réflexions.


Danièle Gilbert-Moundouris – 2002

Le Pélion

A

u pied de cette montagne sacrée « au feuillage vivant », demeure antique des Centaures, Danièle Moundouris avait élue domicile. Source inépuisable d’inspiration, cette région bénie des Dieux, à la lumière si particulière, ne pouvait qu’exalter la créativité de l’artiste. Le bois de l’olivier, la mer d’huile de l’Egée, les petits ports de pêche, l’ouzo, un chat qui sommeille, la nature qui s’endort dans l’hiver… Danièle Moundouris capture le « Kairos » et le fixe à jamais, pour notre plus grand plaisir.