Il y a une route coutumière, à gravir sans se lasser, des mots bavards, des blessures du gravier…
Car au bout, s’il veut bien attendre notre essoufflement, se tiendra l’inconnu, vite reconnu, de nos pensées.
Peut-être voudra-t-il marcher à nos côtés.
Pleine de joie, nous sentirons ses ailes légères.
Et si nous le pouvons, nous verrons son visage, son doux regard en pleurs.
Sa tendre voix accompagnera ses traits, graves et calmes.
Malgré les rides aux coins des lèvres, son sourire éclatant, irrésistible.
Tout son visage, toute sa secrète lumière, tu le reconnaitras au bout de la route, à l’intemporel de son pas.
Et au frisson de ses ailes.
C’est lui l’amour de Dieu qui a soif et faim.
La voix de ta conscience qui se dédouble, et cherche toujours, les secrètes fontaines aux coins des bois noirs, sur une neige trop blanche.
Pour que s’opposent sans cesse, équilibre précaire, le premier péché à la pureté première, le désespoir à l’espérance.
Que l’ardeur du feu grésille sur la glace du temps.
Hymne à la joie, hymne à l’amour, qui toujours souffleté par l’inconscience, se tient aux carrefours, et implore le passant de donner l’aumône.
Pour que peu à peu s’épaississe le sang des martyres.
Que le ciel horrifié déborde, qu’il retombe sur nos têtes, car l’amour est passé, mais nous l’avons perdu, faute de vouloir marcher un peu, de dire le mot qui apaise.
Faute toujours d’oublier que le seul péché qui ne passera pas, c’est d’avoir fait pleurer l’amour, qui se tenait aux carrefours, avec des larmes dans la voix, d’avoir fait pencher la balance, un peu plus, dans l’attirance du vide…
N’oublions jamais que l’amour, c’est ce qui fait que le monde n’a pas encore roulé, le long des pentes vertigineuses d’un néant oublié.
Car il est trop blanc, dans la nuit trop noire.
Et que parfois un regard l’apaise un peu, l’espace d’un instant, car une rose a fleuri sans épines.
Et le passant s’est dépêché, les yeux baissés, sans savoir qu’il y avait eu dans le temps, un moment d’Eternité.
1960