Si je le pouvais, je le voudrais dire,
Si je le pouvais, oh je le dirais
A quel point le monde est beau !
Son poids de terre sur les eaux,
Sa nage lente sur des éthers,
Son ciel d’ozone ou cri solaire
Un alchimique globe d’or.
Si je le pouvais, je le voudrais dire
Si je le savais, ah je le dirais
Où se trouve la marge où la beauté
Fera naitre aux rives surnaturelles
Ses fruits pesants et matériels
Comme un écho trop répété
D’avides soifs et d’arides faims
De perfection mathématique,
Mais qu’atténue la fantastique
Douceur de la miséricorde
Qui enveloppe la justice
Des plis gonflés de son amour.
Si je savais le maître mot
Je vous dirais pourquoi la mort
En ses changeantes anamorphoses,
Ne put jamais distraire le cœur
De la montante perfection.
C’est pourquoi, surréaliste !
Cocon grotesque et disloqué,
Surgit violente en des brisures
De sa gaine d’ombre et d’effroi
Sa vie couronnée des pampres
De la dansante voie lactée.
C’est sa certaine perfection
Qui fait crier mon cœur,
Le temps d’atteindre l’étonnante cime
A l’horizon de l’absolu,
Et retomber éblouie,
Dans le silence des hasards.
Si je le pouvais, je tiendrais la liste
De toutes les sèves et de tous les sels
Des éclairs bleus, quand tous les ciels
Débordent la joie sur toutes les terres.
Ces masses en feu, dessus les mondes,
Ont sculpté sans cesse le noir visage
Ont poli sans cesse les émeraudes.
Quand la nuit tombe,
Que deviennent ses yeux ?
Ces pluies lactées ont durci sans cesse
Le métal chaud de sa jeune beauté.
Et cette accalmie tôt renouvelée
Répète sans cesse la folle ardeur
Qui du temps affûte le fil des jours.
Taillant dans les ailes de mon pauvre bonheur
Pour mieux effiler de ma pauvre douleur
La certaine joie, des sûres profondeurs
En l’immense plein de cet univers.
D’un fil sinueux et compliqué
Au gré de leurs métamorphoses
Les gestations secondaires
Dont les effets expliquent les causes
De la simplicité première
Chantent sur plusieurs mesures
Le rythme droit de l’unité.
Plus grandes et plus belles encore
Les volontés de l’univers
Scellent du chiffre de la splendeur
Du très haut maître en perfection
Les moindres lignes, les moindres fleurs
De sa très haute création.
Mais qui pourrait jamais le dire
A quel point ce monde est beau ?
Seul l’oiseau le pourrait dire
De quelle manière il faut prier
Et seul l’oiseau pourrait le dire
De quelle manière il faut aimer
Car seul l’oiseau pourrait sentir
Son léger poids d’humilité.
1962