S’il y a un autre ciel,
Si la vie devait renaître,
S’il y a un autre sel,
Blanchissant sous d’autres grèves
Pourras-tu franchir la passe ?
Et hisser les voiles d’or
Que suppose avoir ton âme
Sans racler l’ancre de ton cœur !
Pourras-tu franchir la passe
Sans que chavire ton âme,
Et que s’alourdisse ton cœur,
Sous le poids de cette terre
Et de toutes ses splendeurs,
Sous le poids de tes malheurs
Et de tes charnels bonheurs
Sous le poids même des oiseaux
Qui portent sous l’aile
L’espoir d’un désir inapaisé ?
Pourras-tu franchir la passe ?
Comme un bloc de marbre blanc,
D’un seul jet et sans défaut,
D’un seul jet sans défaillance.
Ou bien te briseras-tu ?
Comme l’argile non éprouvée
Au creuset des vraies rigueur,
Au creuset de l’essentiel,
Au creuset de cette mort,
Qui ne laisse que des parcelles,
De l’ancienne citadelle,
Et de ses lourds contreforts ?
Pourras-tu sentir, surgir,
Passer ce vent très léger ?
Qui emporte les plus forts
Dans les griffes de la peur
Des éternelles lâchetés…
Pourras-tu devenir rose…
Rose rouge,
Rose rouge sur la neige,
Rose coupée, sans penser que
Le soleil pourrait ne plus t’éclairer.
1962