Quand tu sauras te détacher
Ainsi le fruit tombant de l’arbre
Tu te cacheras dans l’herbe verte.
Quand tu sauras te détacher
Des petites peines aux blessures nettes
Comme des morsures de souris.
Quand tu sauras te détacher
Aussi surement que cela
Peut-être alors les petites joies
S’entasserons en un gros tas
De bonheur simple et familier
Comme la fuite des années
Et l’air salé de la mer,
Qui emporte la marée,
Au gré des lunes circulaires.
Quand tu sauras te détacher
Du besoin d’être aimé
Peut-être alors l’amour viendra
De toi seulement comme une reine.
Aussi légère que sa traine
La traine dont il sera tissé
Reposera sur l’unité
D’un seul soleil.
Quand tu seras détachée
La neige comme une continuité
De blancheur exacerbée
Piquera ton âme de flèches claires.
Comme l’orbe d’une étoile filante
Ton détachement anéanti
Te rendra encore plus senti
Le miracle pur de l’esprit.
Enfin les rets des sentiments
Seront rendus pièges inutiles
Quand tu seras détachée.
Aussi rusés que les renards
Agissent ceux qui volent les cœurs
Qui ont des ailes d’oiseaux naïfs.
Un cœur c’est chaud et minuscule
Ca se piétine sans scrupule.
Ne montre jamais à leurs regards
Combien le tien est trop petit.
Quand tu seras détachée
Qu’importe alors sa grandeur
Tu n’auras pour seul bonheur
Que le sentir trop s’apaiser.
Quand tu sauras te détacher
S’élèvera hors d’atteinte
Car ses ailes auront grandi
Pour mieux se perdre dans la vie
Secrète d’une âme alimentée
Par la fervente continuité
Du feu troublant de l’unité.
Quand tu seras détachée
Alors tu pourras trembler
Car Dieu est proche.
Et tes péchés terniraient l’obscurité
De la nuit bleue où tout s’apaise
Car Dieu est proche…
Et sa lumière
Est trop légère
Pour ton cœur lourd.
1962