Cendres légères envolez-vous…
L’on vous brûla par les deux bouts :
Joie et tristesse
Tristesse et joie…
On vous brûla le long des heures
Qui parfois résument une vie.
Une condensation
de joie et de douleur
Tout à tour dominant,
Tour à tour dominées.
Mon âme en est l’enjeu
Et elle se consume.
Cherchant une fraîcheur,
Ni d’ici, ni d’ailleurs,
Qui rendrait inutile
La brûlure du malheur.
Qui rendrait inutile la présence des mots,
Leur pesanteur,
Leur à peu près.
Qui rendrait inutile l’agencement des gestes,
Leurs égarements,
Leurs futilités.
Une fraîcheur
Comme neige au soleil.
Une fraîcheur
Fluide comme l’amphore.
Une fraîcheur en moi,
Comme l’éveil du matin,
Egoïste et seul
Et vivant et léger.
Tout au début de l’aube,
L’herbe est trop verte,
Trop neuve.
La rosée l’entoure
D’une pellicule froide
Que dispersera un soleil ambre.
Sans le savoir d’avoir brûlée,
Mon âme sera plus légère.
Ni la joie, ni la tristesse
Ne la domineront.
La brise emportera leurs cendres.
Il ne restera plus que la calme identification
Aux trois règnes : les arbres, les pierres, les oiseaux.
Je ne serai plus moi,
Mais la nature, un clair matin.
Je ne serai plus moi,
Mais sa prière, un blond matin.
Je ne serai plus moi, mais une métamorphose
De feuilles, de pierres et de sang fluide…
1961