Il y a des rêves rouges et or
Avec du bleu de chine melé,
Cernés par les plombs noirs de la réalité.
Mais le soleil pourtant s’y mire
Et sans se diviser les traverse
Et tourne, et tourne, éperdument
Marquant de couleur les heures.
Scellant la vie des sept douleurs
L’ombrant des sept péchés,
La contrastant par mille splendeurs
Qui trouvent leur place dans la rosace.
Son cadre cache bras étendus,
Un Christ jaune et violet,
Qui perd, par les cinq plaies,
Un sang pourpre d’empereur.
Bras étendus, il navigue au centre
Bouche éperdue, il crie jusqu’au pourtour
Père ! Père !
Il lance jusqu’aux Astres : Père ! Père !
Immobile et mobile au centre de tout centre
Vibre le cri : Père ! Père !
Alors en nous s’incruste
Cette inlassable, joyeuse et poignante angoisse
D’un monde qui s’est fendu
Et qu’il faut réconcilier
Par d’exactes opposés
Pour qu’enfin il puisse tourner en nous.
Pour qu’enfin toutes ses couleurs
Se résorbent dans la blancheur
D’un seul soleil,
Sans pourtant s’anéantir
Et qu’enfin puisse frémir
L’arc tendu de l’amour
Sa flèche puissante fait vibrer
Un vitrail qui sous les plombs éclaterait
Et se perdrait sans rémission,
Hors du chemin de la matière,
Sans pour cela l’avoir vaincue.
Notre héritage serait perdu
Du temporel au spirituel.
Créatures du créateur sans création
Nous errerons parmi les ombres
Là où les nuages ternissent le monde,
Où les valeurs s’anéantissent
Et se confondent dans la grisaille larvaire,
D’un néant sans soleil.
C’est pourquoi, de toutes parts,
Des plombs ingrats ornent le prisme
De ces rêves rouges et or, et bleu de chine de la rosace.
Et ainsi sans qu’il se casse,
Ce verre fragile vibre trop fort,
Et, empli d’une immense clameur
Nos cœurs fendus et divisés.
1961